BERLINE - HUBERT - VORTEX
2016
texte de Yves Brochard
«To write is human,
to edit is divine.» (1)
Depuis 2003 les membres de Berline-Hubert-Vortex éditent en dilettante des livres, objets ou œuvres d’artistes suivant le principe des rencontres propices. C’est ce que l’on peut lire sur le site et dans cet « à-propos » tous les mots sont importants mais je retiens celui de dilettante, soit selon la définition du Littré: «Amateur de musique, surtout de musique italienne. Par extension, celui qui s'occupe d'une chose en amateur.» Si je consulte le catalogue des éditions, j’y trouve à peu près toutes les techniques: gravure, sculpture, livre, disque vinyl, CD, objet… Le choix des artistes est tout aussi étendu: de Michel François à François Curlet, de Nicolas Bourthoumieux à Kaulkappen, de Gauthier Leroy à Cédric Carré, de Stéphane Benault à Sébastien Bruggeman, de Dorothy Iannone à Benjamin Katz, d’Eric Claridge à Qubo Gas, de Dewar & Gicquel à Lucien Suel…
J’aime les choix, les parti-pris de B-H-V, les typographies, les papiers, les cartons, les boîtes et puis les enveloppes à ouvrir: la pièce de puzzle dans « Mes yeux me gomment »(B-H-V 013) l’enveloppe, mais cette fois en cristal pour les images à coller du livre d’Eric Claridge (B-H-V 025), le leporello de « Dinard-Ostende » de Benjamin Katz (B-H-V 031), la qualité de reproduction des dessins de Repentis (B-H-V 036) la couverture gaufrée noire et le folioscope de « Speed Limit » (B-H-V 042), l’ « Araignée » en bronze patiné de Sébastien Bruggeman (B-H-V 027), la peinture à l’huile de Cédric Carré (B-H-V 034) accompagnée de son livret et d’une lettre, « Hand to Hand » (B-H-V 019) de Michel François où il faut effeuiller et donner au fur et à mesure pour arriver à l’œuvre.
Il y a dans l’édition cette belle idée de rendre l’oeuvre accessible à un plus grand nombre mais aussi cette demande à l’artiste: comment réagir devant la multiplication d’une oeuvre?
C’était la même émotion lorsque nous découvrions les catalogues de René Block, Hundertmark, Hansjörg-Mayer, Yves Gevaert, Lebeer Hossmann, MAT (Multiplication d’Art Transformable), Artelier… ou lorsque nous nous arrêtions à la fin des années 90 à la galerie de Daniel Buchholz à Cologne.
Avez-vous déjà essayé de plier une feuille de papier de belle manière? J’ai toujours un de ces livrets que B-H-V affectionne: A4 plié dans la longueur, sur la couverture, trois photomatons, trois visages masculins coiffés d’une perruque « Je ne suis jamais allé chez un coiffeur sans l’aimer.» En haut, je crois bien reconnaître Stéphane Benault qui deviendra un des « résidents » habituels des éditions. C’était en mai 2001 et à l’époque c’était Hubert Berline Vortex mais c’est très vite devenu B-H-V comme pour citer le choix d’un porte bouteille au Bazar de l’Hôtel de Ville par Marcel Duchamp en 1914? J’aime à penser qu’il s’agit là d’un témoignage de pratique artistique collective (peut-être étaient-ils même encore étudiants et participaient, examen oblige, à cet enseignement universitaire). Pourquoi ce rappel? Parce que j’y vois ce qui me semble exemplaire dans ces éditions. A une époque où comme l’énonce Benjamin Katz, le métier de marchand d’art «… n’a plus rien de romantique, c’est devenu très brutal.» je retrouve dans B-H-V la vision de l’art (et sa circulation) que j’aime. Simon Leys dédicaçait pour ses proches un propos de Confucius traduit par Segalen « L’écrit sert à rassembler les amis. »(2)
B-H-V a toujours soigneusement gardé son indépendance, pas de subvention, pas d’obligation. La seule ligne est celle des membres de la maison d’édition. On peut penser que c’est simple mais j’y vois un engagement fort. Cela implique des choix dans l’économique: plutôt le don, le potlach, l’échange et surtout les rencontres propices que le compte en banque.
« Il y a une dernière chose qu’on peut envier aux insectes, outre la cuirasse, les cœurs épars, la science innée, la stupeur: c’est la patience. »(3)
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Stephen King « On Writing, A Memoir of the Craft » Scribner 2010 (First published oct 3rd 1999).
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Simon Leys « Quand vous viendrez me voir aux Antipodes, lettres à Pierre Boncenne » Éditions Philippe Rey 2015.
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Pierre Bergounioux « Le grand sylvain » Éditions Verdier/Lagrasse, 1993.